Misahualli, jour 11

Le vapeur de la nuit s’évade de la forêt pour se laisser glisser sur le fleuve. Vision qui paraît tout droit sortie de l’imagination. Pas un bruit ne vient troubler ce réveil de la jungle, si ce n’est celui de l’eau qui rampe inlassablement. On s’aventure au milieu de la forêt dans un décor qui aurait fait pâlir d’envie Steven Spielberg et ses pairs. On escalade les rochers, on s’enfonce dans la rivière jusqu’aux cuisses et on se fraie un chemin entre les abeilles “coupe-cheveux”, les fourmis conga et les araignées d’eau. Au loin, les vocalises du toucan semblent nous indiquer la route.

Après une lente progression, on retrouve enfin la berge du fleuve dont le sol s’enfonce tels des sables mouvants. Impression d’être sur une île déserte. Par endroits, la jungle est comme recouverte d’une fine couche de terre jusqu’à hauteur d’homme, ce sont en réalité les reliques des dernières crues du fleuve.

Nos efforts sont plus tard récompensés par la dégustation de chocolat fait à partir du cacao cultivé sur place. Un délice venu des dieux, le goût des flammes qui ont caressé les fèves rondes et joufflues toute l’après-midi les rend irrésistibles. À l’abri de la cabane en paille, on se lèche les doigts méticuleusement tandis que le déluge submerge la terre et rend la forêt luisante. Une courte accalmie nous permet d’entrevoir la lumière violette du coucher du soleil qui inonde la plage recouverte de bois mort emporté par les flots. Lueur lente et douce qui semble avoir arrêté le temps avec elle. C’est la somme de toutes les plus belles choses que la nature fait qu’elle nous offre sans compter ce soir. Les lucioles sortent de la pénombre et commencent leur ronde.