Cuicocha, jour 2

Gare routière de Quito, les guitounes et buvettes abondent le long des rangées de bus multicolores et recouverts de représentations du Christ, ce qui semble sous-entendre la foi nécessaire pour prendre la route par ici. Les étals débordent et chacun y trouve son compte. Départ pour Otavalo, la télévision embarquée diffuse un film sur les multiples réincarnations d’un chien. On quitte le bitume et le béton de la ville pour rejoindre les terres jaunes et vallonnées de la Sierra. Les freins du bus crient leur peine dans un chant mécanique. Un vent chaud s’engouffre par les petits hublots et les agaves de toutes les tailles défilent devant nos yeux. Arrivée à destination, accueillis par les cris des rabatteurs. Vocifération presque chamanique qui érige son royaume dans un creux de la tête. La dame pipi de la station siège à côté d’une incroyable ribambelle de bonbons aux papiers brillants. Elle distribue les précieuses feuilles de papier à qui lui donnera 20 centimes et l’encens trône au dessus des cabines.

Randonnée autour de la lagune de Cuicocha, qui est née dans le cratère d’un ancien volcan affaissé. On est à plus de 3000 m et l’air semble déjà vouloir s’absenter. L’impression de respirer par une paille s’accentue avec l’effort même le plus minime. Pourtant les bourrasques d’air ne manquent pas et balayent ce qui ressemble à une garrigue particulièrement verdoyante. Le bruit du vent, murmure qu’on pense avoir oublié mais jamais complètement. Au centre du lac, deux collines toutes lisses se laissent peu à peu gagner par l’ombre.

Dans la lumière rasante, on rejoint notre auberge qui est la seule à border cet ilôt de paradis. La vue y est grandiose, la surface lactée de l’eau que rien ne vient troubler reflète la lueur rose des nuages. Par endroits, les ondées muettes créent des formes abstraites. L’eau passe d’un intense bleu céruléen à un noir bleuté. Elle semble vouloir nous appeler en son sein bien qu’elle soit trop acide pour espérer s’y baigner à cause des émissions restantes de CO2. Pas même le sillage d’un poisson n’agite sa surface, et pourtant le regard y revient inexorablement pour peu qu’on ose l’en détourner une seconde. Une nuée d’étoiles timides fait son apparition. Repas sous la danse des papillons de nuit, la truite grillée est de ces délices qu’on ose à peine garder pour soi.