Bethléem, jour 6

L’appel à la prière vibre au milieu du béton qui disparaît derrière un épais nuage de poussière. Retour au camp de réfugiés Aida. Le camion-poubelles de l’ONU s’arrête à l’entrée pour récupérer une infime partie des déchets qui s’entassent partout. On allume un feu au milieu des gravats en désossant des meubles rapiécés. Il fait tuant de froid, l’humidité transperce le corps. On vit dans une bulle où Abdallah, Zaïd, Ahmad, Khaled et les autres nous protègent du monde extérieur et de la violence du sexisme. Pourtant depuis notre arrivée, le père d’Abdallah a déjà reçu des appels de plaintes concernant son fils qui avait l’indécence de fréquenter ouvertement des femmes, qui plus est des occidentales non voilées, en ville. Une nouvelle strate qui s’ajoute à toutes les autres contre lesquelles il faut lutter au quotidien. “S’adapter sans jamais accepter” sont les mots qu’on entend souvent ici.

On dîne à la bougie d’un repas palestinien en écoutant des chansons de Noël occidentales. L’impression d’être en dehors du temps, en dehors du monde, est à la fois frappante et douce ce soir. Dans les yeux brillants, on lit l’optimisme plus fort que tout. Si le monde se fout de nous, alors créons-nous le monde que nous voulons, à la lueur ondulée des bougies.