Ittoqqortoormiit, jour 1

Bien arrivés au village après deux avions et un hélicoptère (Reykjavik -> Akureyri -> Neerlerit Inaat -> Ittoqqortoormiit). Les plus petits aéroports que j'ai jamais vus. On a atterri sur une piste de terre battue au milieu des montagnes, décor tout droit sorti d'un film de science fiction. Dune? Star Wars? Peut-être même Jurassic Park. La salle d'attente ressemble au salon d'une gentille grand-mère très hospitalière. Une minuscule télévision qui diffuse des "documentaires" sous-titrés en danois sur des designers d'aquarium façon "pimp my ride". Voilà les premières images du Groenland. Dehors, des boyscouts jouent avec un ballon-fusée, ils sont tous parés de chapeaux-moustiquaires du plus bel effet.

On est appelés dans le hangar pour retrouver nos bagages. Un petit monsieur souriant joue les pêcheurs au milieu des sacs à dos multicolores. On se sent assez fiers quand on double tous les touristes pour aller prendre l'hélicoptère après leur avoir dit nonchalamment qu'on prenait racine pendant 4 semaines sur ce gros caillou infesté de moustiques et d'ours polaires. La poussière ocre finit de les envelopper de mystère alors qu'on s'envole, euphoriques. On ne vole pas en réalité, on flotte. Au dessus du fjord, des petits ruisseaux éphémères, des icebergs et des montagnes marbrées de neige qui semblent pleurer leur glacier. La terre est à vif et l'eau lisse. Je me retiens de pleurer en vérité. Un rêve si lointain qui devient soudain une réalité qu'on ne peut nier. On se faufile entre les falaises et le village apparait au bord de l'eau dans une enclave paisible.

Un attroupement nous regarde nous poser depuis la piste en cailloux qui relie l'héliport, on est tout d'un coup gênés, pensant égoïstement qu'il s'agit là d'un comité d'accueil alors qu'ils attendent juste de faire le voyage inverse vers la civilisation.

On nous laisse le choix entre le pick-up du policier du village ou le chariot à bagages derrière le quad d'un inuit au sourire chaleureux et édenté. Je choisis la police pour l'ironie de ce voyage derrière les barreaux pour une fois dans ma vie.

Tout ressemble exactement aux photos et pourtant on a du mal à y croire. Le fjord s'étend à perte de vue tel un miroir parfait du ciel. Le bruit des gravas sous les pieds comme une plage perpétuelle.