Hébron, jour 2

Dans le bus qui part de la porte de Damas pour aller à Bethléem, l’ironie est toute particulière : un homme regarde sur son téléphone la vidéo d’un boa qui asphyxie lentement un chien, des hommes tentent de l’en empêcher mais rien n’y fait, le boa rompt inexorablement tous les leviers mis en œuvre. Quand la patience et la détermination des hommes vient enfin à bout de l’emprise du serpent, le chien reste inanimé, on le croit mort. Et pourtant le voici qui bondit sur ses pattes, alerte et pardonnant tout déjà. Fin de la vidéo. Les rangées d’hommes bleus se déversent soudainement du bus, traversent le terrain vague en sautillant entre les rochers le long de la route embouteillée et disparaissent peu à peu dans l’obscurité. Resté seul au fond de l’allée, un petit garçon au visage poupon et aux yeux verts luminescents tient fermement dans son pot une pensée blanche déjà fanée. Il nage dans un sweatshirt Superman, le regard fixé sur la ligne d’horizon embuée par les phares des voitures.

Sur la route, on croise des panneaux qui indiquent maintenant que l’entrée dans la ville est interdite aux citoyens israéliens. Odeur de barbecue et de pneu grillé. On apprendra plus tard que ces panneaux sont en réalité plantés par ceux dont la venue est prohibée. Le minibus est tapissé de moquette imprimée de dauphins jouant au football. On arrive à Hébron par la route principale sous une pluie régulière de néons bleutés.

Hospitalité immédiate, on mange du houmous à la cuillère dans un brouhaha euphorique. On finira par comprendre que si on a dû prendre un bus public jusqu’ici, c’est parce que nos hôtes n’auraient pas eu le droit de venir nous chercher jusque dans Jérusalem.