Ittoqqortoormiit, jour 11

Sortie dans l'unique bar du village hier soir. L'impression de se retrouver dans le salon de quelqu'un, les guirlandes de Noël en plus. Les canettes de bière 33cl et les tubes internationaux. Dehors, le vent balaye les herbes folles et le tumulte du ciel. À trois heures du matin, les enfants errent toujours sur l'aire de jeu. Les mêmes qui ne ratent jamais une journée à l'école avec nous. L'air est humide et des motifs se dessinent dans les vagues dénudées. Le ciel est plus noir que la nuit. Niels a un mouvement de recul quand il apprend qu'on a bu de l'alcool, il fronce imperceptiblement les sourcils et quelque chose dans son visage change à jamais. 

Le lendemain matin, la fête a migré à domicile. la musique s'échappe par les fenêtres qui battent au vent tandis que les enfants jouent dehors, sautent dans les flaques rouges et jouent au football avec un ours en peluche. L'ordre des choses est en place. Une sorte de monde parallèle où les enfants sont dehors et les adultes toujours dedans. Expérience brutale et bouleversante. Loterie sans merci. Dans les dessins des enfants, la terre dépasse le ciel et enterre la maison minuscule.

Ce soir, le ciel est descendu sur terre pour faire régner sa loi. La glace a été chassée à l'horizon et forme une ligne fluorescente, qui délimite les deux mondes. Au bar, un nouveau blessé affiche son suicide raté.